Née à Pithiviers en 1977, Emmanuelle Leblanc vit et travaille en Entre-deux-Mers.


Issu du photo-réalisme, son travail évolue vers un minimalisme abstrait qui tend à prolonger les traditions du Color Field Experience. A travers de petits et grands formats, ou des dispositifs parfois sculpturaux, sa peinture progresse vers une disparition de plus en plus significative de l’image qui ne surgit plus que de manière accidentelle, indéfinie ou sous forme de traces. Les variations de couleurs de ses dernières peintures, à la fois délicates et virtuoses, proposent une forme de synthèse atmosphérique abstraite d’espaces, de moments ou d’images traversés par la mémoire. L’immatérialité des surfaces fait oublier la main de l’artiste pour livrer une expérience sensorielle et méditative. En quête de sublime, c’est une peinture qui tente de réactiver une certaine notion d’aura.


L’artiste est exposée en France et à l’étranger (Belgique, Inde, Italie, Allemagne, Hollande) depuis une quinzaine d’années. Ses œuvres font partie de plusieurs collections privées en Europe. Ces dernières ont été présentées en galerie (Archiraar, Kalakriti, Keitelman, Xenon), en foire (Art Paris, Galeristes, Art Rotterdam, Luxembourg Art Week), ainsi que dans divers projets curatoriaux (avec l’Atelier Martel en 2022, la plateforme curatoriale Föhn, les Editions Multiple Un ou encore l’Artothèque de Pessac en 2019 et 2020, l’Institut Courteauld dans le cadre de la East Wing Biennial en 2016, le Prix de peinture de Vitry en 2013 et 2014, Le Musée san Prisco en 2012).


Emmanuelle Leblanc développe régulièrement des projets en tant que commissaire d’exposition (Bleu Satellite, événement annuel d’art contemporain né à Bordeaux en 2022, Les gloriettes, programme de résidences artistiques en Entre-deux-Mers entre 2021 et 2023 et Pleonasm, plateforme européenne de diffusion d’artistes contemporains qu’elle co-dirige entre 2013 et 2017).


Son travail est référencé par le réseau Documents d’Artistes Nouvelle Aquitaine depuis 2021.

 

ÇA N’EXISTE PAS - ÉLISE GIRADOT

 

Aux confins de l’abstraction et de la figuration, l’œuvre d’Emmanuelle Leblanc laisse libre cours à l’interprétation. Travaillant sans relâche de la couleur à la lumière, elle navigue de l’une à l’autre et s’octroie la liberté de ne donner aucun statut définitif à sa peinture. Les prémices de l’image s’imprègnent d’une recherche photographique assidue. Emmanuelle Leblanc glane, cadre et sélectionne des instants éclairés, comme pour La ligne de peinture et la série Photométéores. Progressivement et dans une approche immersive, les formats sont pensés à l’échelle du corps. Le regardeur est invité à pénétrer un espace à la fois pictural et architectural. D’emblée, la peinture est envisagée dans sa verticalité. Une succession d’étapes rythment sa lente conception : rappelant les procédés picturaux traditionnels, le geste précis est répété, couche après couche. Ces enveloppes de matière catalysent paradoxalement une luminosité éclatante. Les halos irisés révèlent une pratique de l’effacement : du lissage au ponçage, la trace du geste disparaît. Forgeant un minimalisme sensible, l’artiste ôte sa lourdeur à la peinture à l’huile et crée une apparition immatérielle. Devenue tour à tour méditative puis mystérieuse, la peinture produit un effet de synthèse. Emmanuelle Leblanc serait-elle illusionniste ?

 

De longs dégradés lumineux nous absorbent. Avec la série Diffuses, initiée en 2014, l’artiste réalise la symbiose de ses travaux précédents. Rythmés par des aplats colorés, les portraits de Matière à réflexion en étaient déjà la préfiguration. Les coulisses des Diffuses sont imperceptibles tant le labeur se dissimule derrière une sensation immédiate, proche d’une rencontre contemplative avec un paysage. La couleur est le point de départ de ce travail au long cours qui parvient à condenser une présence au-delà de la toile. Notre perception de la couleur est relative : insaisissable, elle n’est jamais tout à fait la même selon notre état ou l’heure à laquelle nous la regardons. Au gré du contexte, le vert s’étend, s’allège ou s’assombrit. Les couleurs sont habitées par l’onde de la lumière : elles vibrent, elles muent. Des gris nordiques aux ors italiens, l’environnement extérieur exerce une influence directe sur les palettes. Fin 2019, Emmanuelle Leblanc voyage en Inde. Le choc des myriades d’odeurs, de tissus et de sons produit un renouvellement de sa gamme chromatique. C’est un tournant pictural. Soudain, l’ocre jaune côtoie l’ocre rouge, le safran et l’outremer. Cherchant l’oxymore, l’artiste invente aussi des couleurs qui n’existent pas : un vert écarlate unit deux pôles que tout devait opposer.

 

Emmanuelle Leblanc poursuit sa quête visant à faire sortir la peinture du cadre. La démarche s’étend à l’espace public, comme dans une série d’images photographiques en devenir intitulée Shine !. Cette tentative s’accompagne d’un travail sculptural qui prend la forme de grandes colonnes. L’artiste y reproduit la technique des Diffuses, la peinture investit le volume et l’espace, en conversation avec le corps de l’observateur invité à plonger dans une vague ou un faisceau lumineux. Le souvenir apparaît, celui de notre dernière baignade océanique, où la sensation de la vague qui frappe notre corps est plus forte que la forme de la vague elle-même.