Avec la série des Papiers-Report (1977), Jean Degottex commence à explorer une nouvelle technique qui consiste à « reporter » par pliage une moitié de la surface de la feuille sur l’autre. Il utilisera cette technique d’empreinte sur toutes sortes de support, y compris pour des grandes toiles acryliques dont la surface, d’une extrême sensibilité tactile, est faite de sillons en négatif et en positif, encollés, horizontaux et irréguliers, tracés avec une pointe : séries des Lignes-Report (1978) et des Plis-Report (1978). Puis suivent les séries des Dia (Dia-Collor, Dia-Umber, Dia-tra, Dia-Noir).
La galerie ETC est heureuse de présenter un ensemble de tableaux de la série des « Reports » par Jean Degottex. Ces oeuvres, sur toiles et sur papiers, sont réunies pour la première fois.
Cet accrochage exceptionnel est constitué de quelques œuvres de très grand format ainsi que d’autres, de grand et moyen format.
La série des « Reports » est située à la fin de l’œuvre de Jean Degottex qui se caractérise à la fois par sa grande diversité et par sa ligne parfaitement rigoureuse. Elle marque l’aboutissement du travail de cet artiste majeur de la deuxième partie du XX° siècle.
Cette exposition commencera le 13 octobre (preview collectionneurs et presse de 14h à 19h, vernissage le lendemain de 17h à 21h) et fermera ses portes le 19 décembre prochain.
Elle permettra de redécouvrir les oeuvres tardives de cet artiste, connu pour avoir été l’une des figures majeures du courant de l’abstraction lyrique.
Issu d'un milieu modeste, « Jean Degottex » est quasi autodidacte. Il gagne sa vie dès l'âge de quinze ans et prend contact à cette occasion avec les milieux libertaires des années 1930. Il pratique occasionnellement le dessin dans les académies de Montparnasse. En Tunisie, où il fait son service militaire, puis en Algérie, de 1939 à 1941, il peint ses premiers tableaux, figuratifs, sous influence du fauvisme (Sidi-Bou Saîd).
Il décide alors de se consacrer entièrement à la peinture. Dès 1941, il participe au Salon des moins de Trente Ans. À partir de 1948, il s'oriente définitivement vers l'abstraction. En 1949, il expose une première fois chez la galeriste Denise René, qui soutient les artistes de l'avant-garde abstraite, puis à la Galerie de Beaune.
La même année, il se lie avec Renée Beslon, poète, plasticienne et critique d'art, qui restera sa compagne jusqu'à sa mort et qui jouera un rôle majeur dans la défense et l'évolution de son oeuvre. Il fait la connaissance de Roger Van Gindertaël, rédacteur en chef de la revue Cimaise et de Charles Estienne, critique d'art à Combat. Il reçoit le prix Kandinsky en 1951.
À Saint-Léonard-en-Beauce, puis en Bretagne, à Portsall, en 1953 et en 1954, ses œuvres se présentent encore comme de libres interprétations de la nature (La Nuit des feuilles, L'Épée dans les nuages, Vagues). Il va s'orienter vers une gestualité abstraite plus radicale dès 1954, privilégiant la liberté et la rapidité d'exécution du geste.
En 1953, il expose une première fois à la galerie L'Étoile Scellée, dont le directeur artistique est André Breton. Il le rencontre à plusieurs reprises à partir de 1954. Breton voit dans ses toutes dernières œuvres (Feu noir 12-1955, Ascendant 12-1955) une possible illustration picturale du principe de l'« écriture automatique ». Il lui signale son affinité spontanée avec le lavis et les écritures chinoises et japonaises, et surtout avec la philosophie et les pratiques du zen.
En 1955, puis en 1956, il rejoint la galerie Kléber, dirigée par Jean Fournier. Il y entretient un temps des relations mouvementées avec Simon Hantaï et Georges Mathieu. Il se lie d'amitié avec le poète Bernard Heidsieck, avec les peintres Françoise Janicot, Jean Dupuy et le sculpteur Paul Gette.
En 1959, il intègre la Galerie internationale d'art contemporain, dirigée par Maurice d'Arquian. Il y fréquente Pierre Henry, Yves Klein et Maurice Béjart. Il se fait mieux connaître à l'étranger, notamment en Belgique, en Suisse, en Italie et en Allemagne.
La période de 1956 à 1963 est particulièrement féconde. C’est aussi la mieux connue du public. Il travaille par séries/suites : suite Ashkénazi (1957), suite Serto (mars-avril, ), suite des Hagakure (), les 18 Vides (1959), suite des Roses (1960), suite des Alliances (1960), les 7 Métasignes (1961), Jshet (1962). De nombreuses œuvres sont alors titrées : Écriture, Suite Écriture.
Sa fille unique disparaît accidentellement à l’âge de 16 ans. Après une année de désespoir et d'inactivité il reprend la série des Écritures. En 1964, il fait la connaissance de Maurice Benhamou, poète et critique d’art qui jouera un rôle important dans la défense de l’œuvre de Degottex. Il rencontrera plus tard le poète Edmond Jabès.
Suivent notamment les suites Rose noire (), Suite obscure (novembre-), Métasphère (1966), les 5 Etc (/ ) et Horsphères (1967). À partir de 1966 et jusqu’à sa mort, il multipliera les périodes de travail à Gordes, dans le Vaucluse, où à partir du début des années 1970, il vit l'été, avec Renée Beslon.
Il participe au mouvement de créations graphiques qui accompagne Mai 68 (affiches : Il faut du noir pour sortir du rouge ; L’infini n’a pas d’accent). En 1969, il travaille avec l’architecte Jean Daladier à la conception de maisons-coupoles à Saint-Julien-du-Sault (série des Spacifique). Il expose avec Jean Daladier à L’Arc, au Musée d’art moderne de la ville de Paris.
De 1972 à 1976, il monte plusieurs expositions personnelles à la Galerie Germain. Il expose notamment la série des Médias, qui séparent le plus souvent une surface unie en acrylique noir mat et une partie basse en lavis d’encre de chine. Cette période donne lieu à des Suites Média et Parcours Médias, déclinant toutes les phases physiques du processus de création. Coulures de l’encre de chine apposée papier au sol, bandes médianes de papiers compressées en boules : BBC (bandes-boules-compression), empreintes des boules : Signes-Boules. Les Feuilles-son et Poly-ondes sont les traductions graphiques d'évènements sonores liés à la création des Médias.
Il se lie à l’écrivain Bernard Lamarche-Vadel et expose, à nouveau chez Jean Fournier, la série des Médias. Il travaille de plus en plus la matière du papier : des déchirures par exemple en révèlent la texture (série des ARR rouges, puis blancs). La Galerie Germain expose aussi ses Papiers pleins (1974-1975) : papiers encollés et décollés par bandes horizontales ; les Papiers pleins Obliques (1976) sont des papiers aux incisions soulevées par diagonales.
Avec les Papiers-Report (1977), il commence à explorer une nouvelle technique qui consiste à « reporter » par pliage une moitié de la surface de la feuille sur l’autre. Il utilisera cette technique d’empreinte sur toutes sortes de support, y compris pour des grandes toiles acryliques dont la surface, d’une extrême sensibilité tactile, est faite de sillons en négatif et en positif, encollés, horizontaux et irréguliers, tracés avec une pointe : séries des Lignes-Report (1978) et des Plis-Report (1978). Puis suivent les séries des Dia (Dia-Collor, Dia-Umber, Dia-tra, Dia-Noir).
En 1979, il crée spécialement pour une exposition personnelle à l’Abbaye de Sénanque à Gordes, une série de toiles dites Déplis dont de nombreux grands Déplis-Bleu.
Il reçoit en 1981 le troisième Grand Prix national de peinture.
En 1982, il entre à la Galerie de France, dont Catherine Thieck vient de reprendre la direction. Des bandes diagonales se rétractent légèrement sous l’effet de la colle (séries des Grilles-Collors, des Oblicollors, des Diacollors).
Ses dernières grandes œuvres, les Lignes-Bois (1985) et Contre-Lignes Bois (1986), blanches, grises, ou gris bleu, sont aussi considérées par les plus experts comme parmi les plus abouties.